Elle courait, si vite, et chaque sensation qu’elle avait su connaitre s’écoulait le long de ses nerfs à vifs et se dissipait du bout de ses phalanges, cinglait un air qui semblait si glacial. Sans hâte, alors qu’elle perdait le rythme, que ses membres les plus frêles ne supportaient plus la charge insoutenable de son corps, elle posa ses yeux sur lui, sembla avoir perdu à défaut de sa lucidité, toute détresse dans la lueur de son regard. Condamné à la regarder suffoquer le reste de son âme en détresse, il voulait lui crier de courir tant qu’elle avait l’espoir, mais l’avait-elle encore ? Une détonation lança dans son crâne un écho douloureux, elle se raidit mais jamais elle ne percuta le sol. Les détonations fuyaient, et pourtant elles étaient toujours là, plus délicates, douces, mais demeuraient pénibles. Le long de sa tempe ardente lézardait doucement une gouttelette de sueur, qui glissa le long de sa joue et s'accrocha aux couvertures. Il tâta l'obscur, craintif, mais le soulagement ne se fut pas des moindres lorsqu'il reconnut la présence de Selina, qui semblait vouloir esquisser un sourire. D'un geste qui se faisait des plus délicats, il dégagea les mèches blondes de son doux visage pour y déposer un baiser. Sa masse fit brusquement crisser les lattes épuisée de l'antique parquet d'épicéa qui faisait minable révérence aux designs luxueux de la pièce. Le tambourinage excessif semblait avoir cessé, mais d'une embrasure de porte lointaine bavait un faisceau lumineux. Après avoir dévalé les escaliers, il poussa discrètement la porte qui s'ouvrit dans un grincement désagréable, qui rendit peu hommage à la finesse de son geste. (uc)