---

ii. all night long slow down the song

Cher Journal,
Je crois que c'est officiel : ma mère est une traînée. Je sais que je ne devrais pas parler d'elle comme cela. Cependant, pour moi, une nana qui se tape limite un mec différent toutes les deux semaines, je crois qu'il n'y a pas d'autres mots. Certains reviennent bien qu'ils sachent qu'elle va finir par se lasser, comme d'habitude. C'est donc ça l'amour ? Il faut que je me dise que les dessins animés sont basés sur des mensonges, que les gens sont des menteurs accro au sexe et que les princes charmants sont une fiction. Et ben dis donc, pauvre monde ! Je ne sais plus si ça vaut vraiment la peine de rester. On vit pour mourir. L'amour n'existe pas. Peut-être que même l'amitié sincère n'existe pas. Tout n'est qu'un ramassé de conneries. On se contente de nous dire ce qu'on veut entendre, et pas ce qui est vrai. Nourrir les rêves, les fantasmes, les souhaits pour pousser à la consommation. Mais qu'est-ce qu'on est cons quand même ?!'

Carliiiiie ! Carliiiiie ! Bordel, t'es où ? Je déambulai dans la maison de ma cousine, à sa recherche désespéramment. Pfff, mais à quoi ça lui servait d'avoir une baraque aussi grande pour elle toute seule ? Ah oui, c'est vrai. Quand je lui ai posé la question, Carlie s'est contentée de me dire que c'était idéal pour les fêtes et pour accueillir une tonne d'amis. Pour moi, c'était aussi l'occasion de flipper et de ne pas remarquer que quelqu'un s'était planqué dans la baraque. Finalement, je parvins à trouver Carlie dans sa piscine. Alors qu'elle tenta de me lancer un bonjour, je lui coupai immédiatement la parole. Je suis amoureuse... Je crois que je suis amoureuse. Pas des plus romantiques, ma cousine ne tarda pas à lever les yeux au ciel. Ça y est, t'as une nouvelle lubie. Roooh t'es d'un rabat-joie, c'est fou. Au cas où ça t'intéresse, il s'appelle Callahan, il a vingt-quatre ans... Carlie me fixa d'un regard noir, limite outré. Peup peup peup. Arrête-toi là. T'as dix-huit ans, Maddie. Tu ne fréquenteras pas ce type ou je le balance aux flics. Le détournement de mineurs, tu connais ? Déstresses, ma mère est d'accord. Elle l'aime bien. Elle trouve qu'il a l'air rangé, sérieux et parfait pour moi. Carlie éclata de rire. Oh oui, j'oubliais que ta mère était un exemple pour la société !

• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •

Un an et demi plus tard, je me mordais les doigts. Je regrettais de ne pas avoir écouté ma chère et tendre Carlie. Alors qu'elle vivait la vie dont tout le monde rêvait, arpentant de nombreux pays dont je rêvais, je me retrouve à vivre avec un mac. Callahan était en réalité un salopard. Il tenait les filles et on ne trouvait plus de moyens pour foutre le camp. A force de menaces, il était parvenu à m'embrigader. J'étais à présent une de ces prostituées. J'avais honte, terriblement honte. Je regrettais l'époque de ma vie paisible à Brooklyn. Pourquoi l'avoir suivi à Miami ? Pourquoi avoir abandonné ma mère ? Je la traitais de traînée depuis si longtemps. Et maintenant, Maddie, c'est qui la traînée dans l'histoire ? Bah oui, c'est toi ! Pauvre fille ! Tu as l'air d'une loque. Tu laisses des salopiots posés les mains sur toi. Qui sait ce qu'ils en ont fait avant ? T'as ramené combien ? 500 dollars. C'est ça, fous-toi de moi. Tu t'es gardée combien pour toi, sale garce. Il me fichut une trampe mémorable. Merci le maquillage qui me permettrait de masquer le bleu naissant sur ma joue. Chaque soir, je cauchemardais. Je me voyais allongée sur le sol après avoir pris une raclée. Carlie et ma mère étaient les têtes penchées au dessus de moi. Elles me traitaient de tous les noms d'oiseaux, de ce qui convenait maintenant pour me décrire. Je me sentais sale, dégoûtée et dégoûtante. Je me donnais envie de vomir. Comment avais-je pu en arriver là ? Moi qui avait rêvé d'étudier la littérature anglaise à NYU. Je ne valais pas mieux que les autres, en réalité.

• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •

Mads, voilà une nouvelle collègue. Elle s'appelle Delinda mais pour le boulot, ce sera Didi. Pigé ? Oui, Cal ! C'est ça, t'avais pas trop le choix de toute façon. il partit en claquant la porte, me laissant avec la nouvelle. Je versais quelques larmes le plus discrètement possible. Puis, je me remaquillais légèrement sous les yeux pour masquer les traces de fatigue, de tristesse et de coups sur mon visage. Delinda s'asseya à côté de moi, me saisit la main et plongea son doux regard verdâtre dans le mien. Tu mérites mieux que ça, tu es tellement jolie. Comme si tout était une question de physique. Un conseil : méfie-toi de ce type. Les jours passèrent et je me rapprochais de plus en plus de Didi. Elle était une âme compatissante, elle était à l'écoute et pouvait me comprendre. Les autres ne me comprenaient pas car elles étaient à la botte de Callahan. Elles avaient l'air d'aimer leur travail. Plus d'une fois, elles m'avaient sorti que jamais je ne pourrait gagner mieux. Certes mais, au moins, j'aurais travaillé avec dignité ! Six mois après son arrivée, Delinda me coinça dans un coin de rue de Miami. Ecoute-moi attentivement. Demain soir aux alentours de dix-neuf heures, arrange-toi pour foutre le camp d'ici. Du quartier, de Miami. Va de l'autre côté du pays. Si tu as besoin d'argent, demande-moi et je te fournirai ce qu'il faut pour le voyage. Mais je... Posant un doigt sur ma bouche, elle me cloua le bec. Fais simplement ce que je t'ai dit. Aveuglement, je l'avais écoutée et j'avais quitté les Etats-Unis. J'ai pris un avion pour Londres à la première heure de l'après-midi et je n'ai pas pris le temps de regarder devant moi. Deux jours plus tard, un reportage m’interpella alors que je regardais la télévision anglaise. Il y a de cela deux jours, un haut réseau de trafic humain et de prostitution a été démantelé à Miami. A sa tête, Callahan Milkovic, déjà connu dans le secteur sous une autre identité. C'est une infiltration qui a permis de faire tomber ce trafic. La police américaine a, encore une fois, su mener à bien une enquête. Je restais béate un moment. Delinda était donc un agent infiltré... Mais pourquoi avait-elle cherché à me protéger ? Je ne le saurais malheureusement jamais.

• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •

Après quatre ans passés à Londres à enchaîner petits boulots sur petits boulots, je choisis de quitter ce beau pays pour retourner dans le mien. Trop effrayée de retourner à Miami ou à New York, Les Hamptons devinrent ma destination. Ce n'était pas si loin de New York que cela mais il y avait moins de chance que l'on me reconnaisse. Pendant un peu plus d'un an, je fus fille au pair au sein d'une famille française qui logeait dans une grande villa aux Hamptons. Ils me logeaient, me nourrissaient... En contre-partie, je m'occupais des gamins, je faisais un peu le ménage ainsi que la cuisine. J'étais pas trop mal payée malgré tout. Puis, la famille était très accueillante et serviable. Finalement, ils durent se séparer de moi, les enfants étant devenus assez grands pour s'occuper d'eux-même. Ne pouvant me payer un logement aux Hamptons, je squattais chez des amis différents chaque semaine. J'allais à l'hôtel de temps en temps, offrant de faire la plonge et le service à table afin de payer la location de ma chambre. Puis, un jour, alors que je buvais mon café au Starbucks, une femme s'adressa à moi. Que fait une si jolie jeune fille seule et avec une mine aussi dépitée ? Elle s'ennuie, madame. Et elle se rend compte que sa vie ne vaut rien. Elle se joignit à moi en s'asseyant à mes côtés. Raconte-moi tout et je vais voir ce que je peux faire. Et je me retrouvais là, à raconter ma vie à une femme que je ne connaissais pas. Elle s'appelait madame Woolsey et ma vie changea ce jour-là, grâce à elle. Aujourd'hui,je suis mannequin de charme. Me dénuder, je sais faire et c'est plus respectable que de se prostituer tout de même. Heureusement que le fils de madame Woolsey est à la tête du magazine qui m'emploie. C'est aussi mon colocataire, malgré moi. Mais je crois qu'il y a bien pire à regarder que lui. Yeurk, je parle de mon patron là.